jeudi 9 août 2018

Les conspirateurs du silence, de Marylin Maeso

   "La démesure de la violence verbale est un confort toujours et une carrière parfois" : ainsi s'exprimait Albert Camus. Plus que jamais, à l'heure du buzz, de Twitter et des trolls, cette phrase sonne juste. C'est sous le signe de Camus que la jeune philosophe Marylin Maeso a choisi de se placer pour tenter de réhabiliter le dialogue respectueux avec l'Autre, celui qui suppose d'écouter, d'argumenter et d'accepter les désaccords sans verser tout de suite dans l'injure. Démarche d'autant plus méritoire que l'auteur des "Conspirateurs du silence" avait décidé d'ouvrir un compte Twitter pour y débattre de philosophie... Comme de juste, elle n'a pas tardé à se faire insulter. Fort à propos, elle nous rappelle au passage que cette violence verbale n'est pas la conséquence des réseaux sociaux ; ceux-ci ne font que la faciliter, la rendre, pour ainsi dire, "accessible à tous et à tout moment". Elle ne s'est pas découragée pour autant et a continué à argumenter, notant avec un certain angélisme qu'elle a pu néanmoins avoir quelques échanges intéressants. "Ne tirez pas sur l'oiseau polémiqueur", recommande-t-elle avec esprit. Démarche méritoire. Car je me souviens d'avoir entendu Pierre Assouline, qui tient son fameux blog "la République des livres", affirmer que les réseaux sociaux pouvaient, de nos jours, tenir le rôle autrefois assigné aux "salons littéraires" et autres lieux semblables de sociabilité. Voire ! La lecture de quelques commentaires de ce blog suffit largement à nous convaincre qu'on n'est pas chez Mme de Staël ou Mme du Deffand. On n'est parfois même pas au Café du commerce. Il faudrait songer à un réseau qui interdirait la violence verbale - répondant à la violence en paroles par la violence de l'exclusion - et même, autant que faire se peut, la médiocrité. Un nouveau monde virtuel où l'on ne serait pas tenu de s'approuver, seulement de ne pas se laisser aller à l'injure.

Faire le parti de ceux qui ne sont pas sûrs d'avoir raison : tel est le propos et le pari (camusien, là encore) de Marylin Maeso. On ne peut que trouver la démarche salutaire. Il est seulement regrettable de s'apercevoir, chemin faisant, à quel point la réflexion qui nous est proposée est perméable au brouet du communautarisme. Ainsi, c'est à grand-peine, et au terme d'une démonstration précautionneuse et alambiquée, que l'auteur parvient à critiquer les propos d'Houria Bouteldja ("les Blancs, les Juifs et nous") dont le caractère communautariste et discriminatoire ne fait pourtant aucun doute. S'il faut retisser des valeurs communes, ce que semble dire notre philosophe, est-il pensable de le faire sans promouvoir la laïcité républicaine, seule voie possible pour respecter l'égalité et le droit de chacun de croire ou de ne pas croire ? Pas une seule fois le terme ne figure dans l'ouvrage et c'est très regrettable.
  

Aucun commentaire: