dimanche 16 août 2009

Journal d'une femme adultère, de Curt Leviant

Aucun lecteur ne possède jamais la clé qui ouvre toutes les portes. Le temps aiguise le flair, certes, et quintessencie le désir de la chose écrite… Mais savoir dire exactement pourquoi un texte, dès les premières pages, possède un pouvoir différent, une capacité plus forte de vous arracher au quotidien, ça non, on n’y arrive pas vraiment. Il faut se contenter d’indices : l’existence d’un jeu multiple, de divers niveaux possibles de lectures, d’un entrelacs de références… Un roman puissant ne saurait être simpliste. Mais quand on a affirmé cela, on n’a pas dit grand-chose de cette véritable magie qu’est la littérature et qui opère si bien dès les premières pages du livre de Leviant. Peut-être sent-on d’emblée (et l’épaisseur du livre est là pour le confirmer, mais elle n’aurait pas suffi par elle seule à nous convaincre) que l’auteur possède une énorme richesse accumulée, dans laquelle son récit va nous immerger. Et que cette richesse touche à la fois à la sensualité, au monde réel et à celui des idées. Que la force de cet auteur est qu’il va réussir à dominer son lecteur, avec son plein consentement éclairé.

…Bien, voilà ce que j’écrivais après lecture de quelques pages de ce Journal. Il y en a près de mille au total, et je viens de les achever. Oui, c’est un grand rendez-vous littéraire. Ce portrait de femme foisonnant, proliférant, est vraiment d’une incroyable richesse. Est-on proche de l’autobiographie ou l’imagination a-t-elle tourné à plein régime ? On n’en saura rien : l’auteur, en décalage par rapport à son époque, ne s’est pas beaucoup dévoilé. En revanche, l’intrigue du livre, et jusqu’à son dénouement, est faite de situations assez convenues. C’est peut-être l’influence de la musique – Aviva, la « femme adultère », est violoncelliste de son état et son amant Guido est aussi son élève – qui interdit le mariage du littéraire et du romanesque. On demeure étonné de ce mystère, sans savoir à l’avance s’il demeurera lancinant alors que d’autres lectures auront succédé à celle-ci, ou bien s’il s’effacera tout de suite.

Une forme d’humour bien particulière (plutôt yiddish ou juif new-yorkais ?) court tout au long du livre. L’amour est chose sérieuse, mais c’est à travers une bonne dose d’autodérision qu’on peut l’évoquer par touches successives et subtiles. C’est une leçon d’écriture et sans doute aussi une leçon de vie.