dimanche 5 avril 2009

Amour profanes, de Joyce Carol Oates

Découvrir un écrivain, le lire pour la première fois est toujours une aventure. Pourquoi celui-là plutôt qu’un autre ? Les conseils des amis sont déterminants, comme les articles de journaux, mais aussi une foule d’autres choses beaucoup plus contingentes : on a découvert le livre chez un bouquiniste, bien caché, et on a eu l’impression que c’est à nous qu’il se destinait (car il en est des livres comme des chats : ils peuvent choisir à l’avance leur maître sans le connaître), sa couverture ou son titre correspondait à notre humeur du moment, l’odeur du papier était attirante, une phrase lue au hasard nous a paru sonner juste ou promettre de nous entraîner dans un univers où nous avions envie d’aller.

La couverture rose d’ « Amours profanes » appartient au genre démodé et, en la voyant chez un bouquiniste de Genève, je me suis probablement senti en retard d’un écrivain, d’une écrivaine plutôt, dont les critiques saluent chaque nouvel opus ; il est vrai aussi que l’on avait parlé d’elle pour le Prix Nobel de l’an dernier, finalement attribué à Le Clézio.

« Amour profanes » appartient au genre, assez répandu en terre anglo-saxonne et relativement peu exporté, du campus novel. Mais là où David Lodge nous amuse avec ses histoires d’universitaires jaloux, amoureux, parfois mesquins, qu’il jette avec une jubiliation mal disimulée dans des aventures rocambolesques, Joyce Carol Oates, elle, interprète plutôt sa partition dans le registre sociologique et psychanalytique. Pour autant, en bonne américaine, elle n’oublie pas d’être efficace et de faire défiler devant nous de nombreux personnages dans une multitude de situations. Son talent est de jouer avec le pathétique et le ridicule, tout en évitant – certes, de peu, mais c’est ce peu-là qui fait toute la différence – la posture du caricaturiste. On sent le métier d’écrivain, au meilleur sens du terme : le récit est la plupart du temps brillant et maîtrisé, mais il ne dissimule pas toujours bien ses ficelles (une certaine manière, par exemple, de relancer l’intérêt pour un personnage en le précipitant dans un rôle à contre-emploi) ni certains moments d’étiage. On aimerait que ce soit plus bref, plus incisif ; on se dit qu’avec l’apport d’autres matériaux, puisés peut-être dans d’autres livres, Joyce Carol Oates aurait pu nous gratifier d’un chef-d’œuvre. Mais je ne connais pour l’instant pas assez cette romancière pour savoir si cette intuition peut être juste. Il me reste à dénicher d’autres livres d’elle. Retour prochain chez les bouquinistes, dans les boutiques ou sur internet.

Aucun commentaire: