mercredi 24 septembre 2008

La Bâtarde, de Violette Leduc

Il y a quelque temps déjà que je n’ai pas écrit dans ce blog. On devrait pourtant s’astreindre à ouvrir boutique tous les jours, ne serait-ce que pour mettre un mot ou deux. Dire seulement qu’on n’a pas disparu de la Toile (même si c’est plutôt, chez moi, un espace réduit et tout à fait intime où j’invite les quelques amis qui veulent bien venir). Mais on veut faire plus et mieux… et lorsque les autres occupations s’enchaînent, il n’y a plus de blog.

Pourtant, hier, à Berne, Pierre Assouline nous a longuement expliqué, au cours d’une conférence brillante, que le blog était l’avenir du journalisme en général et la forme moderne de la conversation littéraire en particulier. A ceci près, toutefois, que certains « posts » sont loin d’offrir la courtoisie et le langage châtié qu’on dut avoir dans les salons littéraires ou politiques, et pas seulement les plus connus. Je crois qu’il y a un problème réel, qui pourrait bien devenir grave parfois, avec l’anonymat trop facile qu’offre internet. Un problème de filtre, de savoir « à qui l’on a affaire » ; mais peut-être le grand réseau mondial nous offrira-t-il des solutions (des « villages d’affinités », par exemple, en tant que sous-parties du village planétaire) aux problèmes qu’il est venu lui-même poser. En tout cas, moi qui ai rêvé, adolescent, de devenir journaliste, je pourrai au soir de ma vie exercer cette activité en bloguant plus intensément que je ne le fais à l’heure actuelle – et en étant lu, si possible, par d’autres que les quelques amis qui consultent mon blog jusqu’à présent.

J’en viens au livre. La Bâtarde, de Violette Leduc. Il y a quelques années, j’avais lu à sa parution Thérèse et Isabelle. On dit facilement d’un écrivain qu’on découvre qu’il est une voix originale. Dans le cas de Violette Leduc, ce n’est pas qu’une phrase toute faite : l’originalité est présente à chaque paragraphe. Il y a d’abord une prodigieuse mémoire du détail, dans ce qui se présente comme un récit. Un regard acéré, impitoyable, amoral souvent – mais sans que cette amoralité paraisse « surjouée », comme c’est souvent le cas chez Gide à qui par ailleurs Violette Leduc ressemble à bien des égards. Violette Leduc nous dit quelque part dans son livre que lorsqu’elle était enfant, sa mère lui reprochait d’écrire lourd. Dans son long processus de libération d’une mère qui ne l’a pas vraiment aimée (« Ma mère ne m’a jamais donné la main », c’est la première phrase d’un de ses livres), l’auteur a donc cherché le moyen d’alléger son écriture. Elle a trouvé qu’écrire des phrases courtes, selon un rythme saccadé répondait à son souhait. Au cinéma, ce serait du Godard : plans décalés, coupures semblant incongrues et souvent répétées. La parataxe règne en maîtresse dans cette maison littéraire. Et c’est ce qui explique assez facilement que Violette Leduc, si elle a été appréciée par la critique, a été boudée par le public. Malgré une « préface promotionnelle » de Simone de Beauvoir (qui n’a plus aujourd’hui la force de prescription littéraire qu’elle a pu avoir à une époque), je crois qu’il ne faudrait conseiller Violette Leduc qu’aux lecteurs qui admettent de faire un réel effort de lecture, qui plus est pendant quelque cinq cents pages écrites en petits caractères. C’est dommage, car la Bâtarde est un livre puissant, parfois équivoque (on ne saisit pas bien la cause de l’attachement de l’auteur pour Maurice Sachs, personnage littéraire qui donne très peu de prise à l’admiration), truffé d’images fulgurantes qui sont autant d’intenses plaisirs de lecture.

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