vendredi 22 mai 2009

Un glacier dans le coeur, de Daniel de Roulet

Sous-titré « vingt-six manières d’aimer un pays et d’en prendre congé », ce livre évoque sous forme de saynètes des moments de l’histoire intellectuelle et de l’histoire tout court de la Suisse, Pays dont l’auteur est citoyen, qu’il aime et n’aime pas à la fois, au point de ne pas y vivre sans s’en être éloigné tout à fait : il vit en effet dans le Jura français, à Frasne, petite ville bien connue de tous ceux qui, comme moi, prennent régulièrement le TGV Berne-Paris. Clin d’œil : c’est précisément dans le TGV qui me ramène en Suisse que j’écris ce billet. L’occasion de me demander ce qu’il en sera lorsque je devrai, moi aussi, « prendre congé » de la Suisse, c’est-à-dire lorsque ne m’y retiendra plus aucune obligation professionnelle. Ce n’est en tout cas pas tout de suite et je ne sais quand ce sera.

Robert Walser aimait platoniquement une repasseuse ; il l’aimait dans la distance et spécialement à l’occasion de Noël. Walser est devenu fou, n’a rien écrit pendant des années et sa repasseuse n’a à peu près rien compris à cet amour. Daniel de Roulet, lui, aimerait bien comprendre ce qui poussait Annemarie Schwartzenbach à découvrir la haute vallée de Laar, en Iran, dont elle a tiré un roman « la Vallée heureuse ». Difficile, là aussi. La Suisse a ses mystères, les Suisses ont les leurs. Qui sait, par exemple, que Le Corbusier, ce grand homme du XXème siècle né à la Chaux-de-Fonds, fut un collaborateur obstiné, ayant posé ses pénates dans l’un des grands hôtels occupés par les « officiels » français, tandis que les Allemands occupaient Paris ? Mais ne le dites pas trop : il y a risque de désaffection, donc de chute des prix, pour son œuvre.

Comme tous les Pays, la Suisse a ses côtés aimables. Qu’elle ne soit pas un grand pays par sa superficie rend ses réussites encore plus dignes d’éloges. Mais suffit-elle à remplir une vie ? L’amour qu’on a pour elle peut-il être exclusif ? A l’heure de la mondialisation, c’est de moins en moins sûr. Surtout quand on est artiste et que d’un seul regard on embrasse le monde. Mais il n’est pas facile non plus d’appartenir à la fois à la Suisse et à d’autres Pays. C’est peut-être là le cœur de la difficulté : le Pays de Guillaume Tell réclame une exclusivité que ses montagnes et ses pâturages ne suffisent pas à oxygéner.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Pas Frasne, Frasne-les-Meulières. Mais la critique du livre est si bien faite, que cela n'est qu'un misérable détail: il y a 13 Frasne en France, ce n'est pas facile de s'y retrouver dans un si grand pays