jeudi 1 janvier 2009

Une éducation libertine, de Jean-Baptiste Del Amo

Le Paris populaire de 1760 n’est que laideur et puanteur ; la Seine, pas sencore canalisée, y charrie tous les immondices que produit la société des hommes et, parfois, des cadavres. La chaleur multiplie les miasmes et rend l’atmosphère parfaitement irrespirable. C’est sur une plongée dans cette capitale à peine sortie du Moyen Age que s’ouvre « Une éducation libertine ». Admirable reconstitution, étonnante capacité d’exalter le laid et le répugnant. Pour son premier roman, écrit à 26 ans, Jean-Baptiste Del Amo rend sans les copier un hommage aux meilleurs auteurs qui ont su décrire les horreurs et les vices cachés ou apparents de la capitale, Balzac en particulier.

Mais le titre du livre nous entraînerait plutôt du côté de Restif de la Bretonne ou de Crébillon fils. On attend pour héros une sorte de Rastignac obsédé sexuel. Or, curieusement, Gaspard n’est pas un personnage très sensuel ; sans scrupules, oui, et hanté par le souvenir d’une vie brutale à la campagne parmi les porcs, donc ambitieux sans mesure. Sa carrière dans la société sera presque entièrement bâtie sur le goût des hommes pour les hommes, une caractéristique dont les auteurs libertins de l’époque se sont peu servis peut-être parce qu’ils l’ont peu connue ou reconnue. Sa rencontre avec le Comte de V. a pour Gaspard le caractère d’un événement fondateur ; mais son ascension de l’échelle sociale se fera en passant de bras en bras, en marchandant ses faveurs et, chaque étape franchie, en reléguant dans le néant l’étape précédente. Cet arrivisme forcené ne va cependant pas sans un puissant fantasme d’autodestruction, qui deviendra réalité. Cette sorte de conscience d’un personnage qui semble n’en pas avoir est assez étrange et m’a laissé passablement dubitatif. Reste l’évocation de Paris, de sa géographie physique et humaine : Del Amo est sans aucun doute un écrivain puissant, peut-être pas tout à fait (pas encore ?) un romancier.

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