Encore un livre qui raconte de manière romancée une histoire vraie. Une exofiction, pourrait-on dire dans le vocabulaire d'aujourd'hui. Nous sommes au Soudan, dans la seconde moitié du XIXème siècle, le pays est pauvre et confronté à des guerres tribales dont l'Egypte et la Grande-Bretagne, bien sûr, se mêlent pour faire valoir leurs propres intérêts ou ce qu'elles croient tels. L'armement est encore rudimentaire, mais il est une arme ancestrale qui a valeur aussi de monnaie d'échange et de facteur de puissance : les esclaves. On organise des razzias dans les villages, on enlève petites filles et petits garçons, puis on les vend pour servir de main-d'oeuvre, d'escalves sexuels ou simplement de jouets au bénéfice de ceux qui se sont, en un temps et un lieu donnés, arrogé le pouvoir, et qui le perdront peut-être très vite.
Bakhita est ainsi capturée dans un village où elle vit dans sa famille misérable mais aimante une vie heureuse car faite de choses simples et ancestrales. Elle n'a pas d'éducation, bien sûr, ne sait ni lire ni écrire, mais elle est très habile, a beaucoup d'instinct et une beauté qui sera, comme cela arrive, à la fois un handicap et une planche de salut. Car Bakhita, vendue et revendue, maltraitée, blessée, mourante, finira par ne plus se souvenir de son nom. Elle ira de lieu en lieu, de pays en pays, sera achetée par le Consul d'Italie, conduite dans ce pays, instruite dans la religion chrétienne, au point de devenir religieuse. Elle finira canonisée par le Pape Jean-Paul II en 2000.
Véronique Olmi nous conte dans le détail, sans jamais se départir de son empathie ni de son réalisme (sauf toutefois pour les scènes sexuelles, traitées de manière allusive) les différentes étapes de ce parcours hors norme. Lorsqu'elle évoque la traite au Soudan à la fin du XIXème siècle, on ne peut s'empêcher de penser que l'esclavage n'a pas complètement disparu dans cette zone. Un phénomène en quelque sorte culturel, favorisé par la misère, un territoire quasi désertique et des Etats en permanence au bord du collapsus. De ce point de vue, ce roman a donc son actualité. Pour le reste, il nous conte la destinée d'un personnage exceptionnel, qui se bâtit une destinée pour échapper au malheur absolu et à l'oubli, jusqu'à devenir un exemple de ce que nous appellerions aujourd'hui la résilience. Bakhita n'était pas pour autant taillée d'une seule pièce : à chaque étape se révèlent ses doutes, voire ses contradictions, qui ne sont pas dues seulement à un instinct de survie qu'elle a dû tenir sans cesse aiguisé. Pour autant, je dois dire que le roman de Véronique Olmi, peut-être un peu trop appliqué et linéaire, ne m'a pas enthousiasmé. On y admire la persévérance de l'auteur, mais l'étincelle émotionnelle par laquelle un livre vous marque fait défaut. Peut-être parce que trouver la "bonne distance" à l'égard d'une histoire comme celle-là, qui mobilise nécessairement beaucoup de bons sentiments, est une tâche impossible.
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