Depuis que théorie de la relativité et mécanique quantique s’affrontent en deux visions du monde incompatibles (mais dont certains ont toutefois tenté une synthèse), la science n’est plus tout à fait la science. Elle a abandonné l’idée d’une compréhension « définitive » du fonctionnement de l’univers. Elle sait désormais qu’elle est vouée à développer des théories de plus en plus élaborées, mais que la vérité toujours lui échappera. Vérité ou réalité ? Il semble bien que l’un et l’autre de ces concepts soient aujourd’hui à manier avec la plus extrême précaution. On sait depuis Heisenberg qu’il est impossible de définir à la fois la position d’une particule et sa vitesse. Parlera-t-on encore de la « réalité » de cette particule ? Et la vérité, si elle est, comme a pu l’affirmer avec un certain goût du paradoxe, mais non sansle philosophe José Bergamin, « le contraire de la raison » ?
Car, au-delà des quatre dimensions de l’univers selon Einstein, il semble qu’il existe d’autres dimensions encore, invisibles pour nous, susceptibles seulement d’être furtivement entrevues. Raison pour laquelle les fameuses ondes gravitationnelles ont été si difficiles à détecter, alors qu’elles sont « partout » (si toutefois ce mot peut encore avoir un sens). D’autres dimensions et d’autres univers, dont nous n’avons pas idée. D’autres planètes, bien sûr, très probablement habitées par une vie qui n’a - c’est là encore une probabilité - rien à voir avec la nôtre. Une intelligence, des intelligences ? Sans doute. Plus ou moins grandes que les nôtres ? Il est possible que la question soit par elle-même dépourvue de sens : comment hiérarchiser, si ce n’est au titre d’un anthropomorphisme devenant tout à coup risible et dérisoire ?
Etrangement, plus la science se trouve remise en question dans sa possibilité même d’aller « jusqu’au bout », plus ses progrès sont sensibles et viennent modifier notre vie quotidienne. Les ordinateurs, bien sûr, ont déjà changé notre quotidien et celui de notre travail. Mais il n’est pas impossible que, demain, une « humanité augmentée » nous succède. La révolution transhumaniste est en marche, déjà. Et qui dit ordinateur dit désormais intelligence artificielle. Celle-ci accomplira-t-elle sous peu la presque totalité des tâches qui, aujourd’hui, incombent à des humains ? Et qui la contrôlera ? Qui s’assurera que les robots futurs ne feront pas que travailler à notre place mais voudront aussi prendre le pouvoir sur la planète ? Un pouvoir exercé pour quoi et au nom de qui ? Que nous restera-t-il, à nous, humains, en l’occurrence ? Sera-t-il possible, par la loi, de cantonner ces machines à leur « juste » place ? Il faudrait pour cela des lois strictes, qui ne pourraient être qu’universelle. Or, il n’existe pas de gouvernement universel des hommes. Face aux robots, à ce qu’ils permettront mais aussi à leur menace, il y a peut-être urgence à promouvoir ce « grand régulateur » agissant pour tous et au nom de tous. Et cependant, nous n’en prenons pas le chemin.
Telles sont quelques-unes des questions abordées par Jean-Claude Carrière, Jean Audouze et Michel Cassé dans leur livre. Les deux derniers sont astrophysiciens ; on connaît le premier comme écrivain et scénariste, il joue un peu, dans l’échange « parlé » qui forme ce livre, le rôle du candide - pas si naïf que ça, pourtant, connaissant plutôt bien son affaire et surtout posant les bonnes questions. Auxquelles le livre, bien sûr, n’apporte pas de réponse tranchée. De dialogue en dialogue, nous allons de vertige en vertige. C’est une hygiène pour l’esprit, une manière de nous obliger à penser différemment, avec beaucoup plus d’étendue et beaucoup moins de certitudes fondées sur l’apparence. Même si l’on eût aimé, en définitive, que ce livre aborde moins de sujets et aille davantage en profondeur. Au risque d’être plus « technique », moins « grand public ». Et sans doute bien plus percutant encore.
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