mercredi 27 juin 2012

Peter Ibbetson, de George Du Maurier



George Du Maurier paraît bien oublié aujourd'hui. Peut-être parce qu'il fut illustrateur dans des journaux humoristiques (« Punch », en particulier) avant d'être écrivain. Mais peut-être est-ce là un propos bien hexagonal, tant il est vrai que les Français n'apprécient guère l'humour anglais, aujourd'hui pas davantage qu'hier. D'ailleurs, moi-même...

Toujours est-il que Du Maurier a eu un jour une belle idée de roman. Un amour vécu sous forme de rêves croisés, une coalescence du rêve et de la réalité. Personnage changeant de nom, assassinat invraisemblable par le neveu de l'oncle qui lui avait donné son nom, passages répétés d'un Pays à un autre et d'une langue à l'autre (la France, l'Angleterre), tout cela concourt à composer un roman de la bizarrerie. Contrairement au « Grand Meaulnes » où le rêve est nostalgique, un peu mélancolique et alangui, Peter Ibbetson est un texte cahoteux, traversé de fulgurances, tissés d'étoffes qui ne vont guère ensemble et aux coutures saillantes. Peut-être manque-t-il à la version française (la traduction est de Queneau, je ne laisse pourtant pas de l'avoir trouvée assez étrange à plus d'un endroit) les illustrations qui accompagnaient, paraît-il, la version anglaise. Il est possible que leur suppression dénature la perception que nous pouvons avoir de l'ouvrage.

Du Maurier, ayant eu l'idée de Peter Ibbetson, l'avait, paraît-il, proposée à Henry James qui lui avait suggéré d'écrire le livre lui-même. Pourquoi ce refus ? Par générosité, respect du « privilège de l'antériorité » ? Ou parce que James avait tout de suite compris que ce Peter Ibbetson ne serait guère « romanesque ». De fait, alors que le projet de Flaubert était d'écrire un « roman sur rien », Du Maurier a écrit un livre qui ne ressemble en presque rien à un roman. Mais qui ne se laisse sans doute pas oublier facilement : ce n'est pas tous les jours que l'on évoque avec une telle obstination la pénétration et l'imprégnation fantasmatiques du réel.

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