Classique, dites-vous ? Dans le
dernier post de son blog, Pierre Assouline s'interroge sur ce
concept. Et cite une histoire vraie dans laquelle des écoles
anglaises avaient renvoyé à leur expéditeurs, une fondation de
bienfaisance, des cartons de « classiques », au motif
qu'ils n'avaient pas la place de les ranger dans leurs bibliothèques
(!) et que les élèves en trouvaient la lecture trop difficile.
L'image de Dostoievski vient illustrer ce propos, alors même qu'il
n'est pas cité dans le commentaire. Et voici, justement, un élément
de réflexion : Dostoievski est un « classique atypique ».
Il a toujours eu la réputation d' « écrire mal ».
C'était, pour beaucoup, un feuilletoniste, on le sait. Est-ce à
dire que la forme lui importait peu ? Ou bien au contraire que
la forme, chez lui, devait épouser – d'une manière que l'on
pourrait presque dire, paradoxalement, mallarméenne – les
tourments métaphysiques et moraux de l'auteur et de ses
personnages ? Un peu des deux sans doute. Toujours est-il qu'il
figure dans les collections de classiques à l'usage des écoles et
des universités. Un auteur aussi éloigné de lui que peut l'être
un Jean-Philippe Toussait disait récemment le choc qu'avait été
pour lui, qui lisait assez peu durant son adolescence et sa jeunesse,
la lecture de « Crime et Châtiment ». Dostoievski semble
être un auteur à redécouvrir, et ce peut être une définition des
classiques, de certains en tout cas.
Distinction à faire, sans doute, entre
les classiques et les livres-cultes. Cette dernière notion serait,
disons, plus idiosyncrasique. Peter Ibbetson, de George du
Maurier, que je lis en ce moment, est un livre-culte pour tous ceux
que l'effacement des frontières entre rêve et réalité et leur
interpénétration peut bouleverser, surtout, sans doute, lorsqu'ils
ressentent ces phénomènes comme faisant partie de leur expérience
personnelle. Mais le thème même de ce livre, et la manière assez
désincarnée, peu romanesque finalement, dont il est traité, le
rendent très largement hermétique pour le commun des mortels. C'est
à ce titre qu'il serait difficile de le ranger dans la catégorie
des « classiques ».
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