vendredi 1 juin 2012

Classiques ou livres-culte ?


         Classique, dites-vous ? Dans le dernier post de son blog, Pierre Assouline s'interroge sur ce concept. Et cite une histoire vraie dans laquelle des écoles anglaises avaient renvoyé à leur expéditeurs, une fondation de bienfaisance, des cartons de « classiques », au motif qu'ils n'avaient pas la place de les ranger dans leurs bibliothèques (!) et que les élèves en trouvaient la lecture trop difficile. L'image de Dostoievski vient illustrer ce propos, alors même qu'il n'est pas cité dans le commentaire. Et voici, justement, un élément de réflexion : Dostoievski est un « classique atypique ». Il a toujours eu la réputation d' « écrire mal ». C'était, pour beaucoup, un feuilletoniste, on le sait. Est-ce à dire que la forme lui importait peu ? Ou bien au contraire que la forme, chez lui, devait épouser – d'une manière que l'on pourrait presque dire, paradoxalement, mallarméenne – les tourments métaphysiques et moraux de l'auteur et de ses personnages ? Un peu des deux sans doute. Toujours est-il qu'il figure dans les collections de classiques à l'usage des écoles et des universités. Un auteur aussi éloigné de lui que peut l'être un Jean-Philippe Toussait disait récemment le choc qu'avait été pour lui, qui lisait assez peu durant son adolescence et sa jeunesse, la lecture de « Crime et Châtiment ». Dostoievski semble être un auteur à redécouvrir, et ce peut être une définition des classiques, de certains en tout cas.

          Distinction à faire, sans doute, entre les classiques et les livres-cultes. Cette dernière notion serait, disons, plus idiosyncrasique. Peter Ibbetson, de George du Maurier, que je lis en ce moment, est un livre-culte pour tous ceux que l'effacement des frontières entre rêve et réalité et leur interpénétration peut bouleverser, surtout, sans doute, lorsqu'ils ressentent ces phénomènes comme faisant partie de leur expérience personnelle. Mais le thème même de ce livre, et la manière assez désincarnée, peu romanesque finalement, dont il est traité, le rendent très largement hermétique pour le commun des mortels. C'est à ce titre qu'il serait difficile de le ranger dans la catégorie des « classiques ».

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