Qu'est-ce que la littérature a à nous dire de la maladie ? Toujours, les romans en ont parlé - tuberculose au XIXème siècle, Sida au XXème, pour ne prendre que ces exemples - , toujours les écrivains en ont souffert et nous l'ont raconté, parfois de manière inoubliable, souvent à la première personne. Eric Reinhardt a été confronté au cancer de l'autre, l'être aimé devenu tout à coup être souffrant, sa femme, Margot, l'amour de sa vie, atteinte d'un cancer du sein à la guérison incertaine, même si l'on affirme trop souvent, de nos jours, que ce cancer-là ce n'est rien.
La maladie et ses paradoxes : elle ressoude le couple, le ramène à ses fondamentaux. L'amour, d'abord, le temps qui passe et la nécessité de ne pas le perdre, le désir qui tout à coup s'intensifie de se trouver tout à coup à un point d'équilibre instable, celui où il pourrait brusquement cesser d'exister.
Mais le désir a aussi ses ruses. Et voici que le narrateur rencontre Marie, jeune femme séduisante, atteinte elle aussi d'un cancer. Il se met à l'aimer à raison même de cette maladie, et peut-être dans la limite de celle-ci, sans cesser pour autant, bien au contraire, d'aimer sa propre femme. Du coup, se construit un roman dans lequel un grand compositeur, dont la femme a elle-même souffert d'un cancer, rencontre une autre Marie, en traitement chimiothérapique et qui n'a que quelques semaines à vivre. Il lui écrira un Requiem avant de réintégrer les pénates conjugales. Il pourrait écrire aussi un livret d'opéra où un peintre réalise une oeuvre prodigieuse, promise à un succès immense, au moment même où sa femme est elle aussi atteinte d'un cancer. Lorsque Margot avait été malade, le narrateur avait travaillé comme un forcené pour achever un livre qui avait beaucoup fait pour sa notoriété ; et parallèlement la guérison de Margot était advenue.
Dans ce jeu labyrinthique entre la réalité et la fiction - mais peut-être, plus simplement, ne va-t-on que de la fiction à la fiction - se dessinent plusieurs pistes. Celle, d'abord, du pouvoir compassionnel de la littérature, notion pas nécessairement très tendance mais qu'il ne faudrait pas abandonner ou mépriser pour autant. Puis celle de la création, pas seulement littéraire, comme exorcisme : rien de nouveau là non plus, mais le registre résolument contemporain qu'adopte l'auteur, tissant parfois des liens funambulesques entre passé et présent, sonne juste. Celle, enfin, des correspondances entre la propre vie de chacun, sa vie rêvée et la vie des autres - ce qui est, au fond, une des multiples définitions possibles de la littérature.
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