Il faut voir dans le titre de ce livre
une allusion au film de Fellini, bien sûr, mais aussi une
affirmation à double sens, ironie totale et assertion à prendre
strictement au premier degré. L'un n'empêche pas l'autre, c'est
toute l'équivoque, tout le charme suave et vénéneux de l'Italie.
Simonetta Greggio, italienne qui comme
sa compatriote Michela Marzano, a choisi d'écrire en français,
visite et fouille pour nous quelques grands événements qui ont
marqué l'histoire de l'Italie de l'après-guerre. Point de départ :
le film de Fellini, qui célébra Rome mieux que nul autre sans
doute, créant le mythe grâce à une unique scène où la beauté
sculpturale d'Anita Ekberg inscrit pour jamais dans nos mémoires
l'image de la Fontaine de Trevi.
La Dolce Vita faillit être un désastre
économique pour les producteurs qui l'avaient financé, une
catastrophe pour le cinéaste pas encore starisé qui s'appelait
Federico Fellini. Heureusement, l'Eglise veillait : menaçant de
censurer le film (elle en avait le pouvoir à l'époque, ce qui, à
l'aune de nos critères d'aujourd'hui, semble proprement stupéfiant),
elle entraîna – par simple effet de bouche à oreille – des
foules de spectateurs dans les cinémas, venus voir de leurs yeux de
quoi il s'agissait « avant qu'il ne soit trop tard ». Le
film fut donc un triomphe à l'époque, il est aujourd'hui un
classique.
L'Italie qu'évoquait Fellini était
celle du « tout est permis », ayant perdu le goût des
valeurs et le sens des limites, au bénéfice d'une sorte
d'esthétisme décadent et désespéré. D'autres cinéastes, vers la
même époque, choisirent la voie de la critique sociale et
politique ; ainsi, dans « l'Affaire Mattei »,
Francesco Rosi évoque le personnage hors du commun que fut Enrico
Mattei, grand patron de la Société nationale italienne des
hydrocarbures (ENI), mort prématurément, probablement assassiné,
et peut-être par les Services spéciaux français. Il est quand même
troublant de constater qu'après tant d'années, ce film – que j'ai
eu la chance de voir à la télévision française – n'a jamais été
édité ni en VHS ni en DVD ! C'est même presque incroyable.
Simonetta Greggio évoque d'autres
affaires, en particulier les « années de plomb » et
l'enlèvement, puis la mort tragique d'Aldo Moro. Dans bien des cas,
le Vatican y est mêlé et son rôle n'est pas toujours très clair,
c'est le moins que l'on puisse dire. Ce qui est frappant aussi, c'est
que les dossiers ont été refermés assez souvent avec une
précipitation suspecte, voire après des manipulations de preuves,
sans que la lumière ait été faite, sans que l'on se donne les
moyens de toucher un jour à la vraie vérité. Et que le Pays,
ensuite, a dû s'en accommoder, tant bien que mal mais certainement
pas sans de profonds dégâts.
Seul regret : que ce livre, qui
s'intitule « roman », introduise au milieu des
personnages réels un personnage de fiction, le Prince Malo, qui
constitue sans doute le travestissement d'une personne ayant vécu
(mais je dois avouer que, pour ma part, je ne détiens pas la clé de
cette transposition), ce qui affadit quelque peu la virulence de la
critique, car, au fond, il n'est pas interdit de penser, et cela peut
même paraître commode, que des événements auxquels un personnage
de fiction a été mêlé pourraient bien n'être pas réels eux non
plus. Dommage, en effet, mais reste l'appétence que ce livre fait
naître pour l'Histoire récente d'un Pays aussi attachant que
complexe, où la douceur de vivre, profonde et intense, peut se
retourner en une violence féroce et irraisonnée.
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