Les sujets les plus passionnants peuvent-ils aboutir à des livres détestables ? Oui, assurément. Et sans doute la déception qu’on en éprouve est-elle à la mesure de l’appétit qu’il y avait en nous au départ. Auto-da-fé illustre pour moi cette réflexion. Je peine depuis plusieurs semaines sur ce livre en raison de la promesse que je me suis faite un jour de ne jamais abandonner un livre en cours de route, même s’il me déplaît ou m’ennuie. Un serment qu’il faudra peut-être reconsidérer, un jour, car le temps passe de plus en plus vite, la PAL (pile de livres à lire) ne diminue pas, tout au contraire, et l’impératif des choix devient de plus en plus pressant. Mais, d’un autre côté, j’ai tant lu de livres ennuyeux jusqu’à la trois centième page et qui ensuite prenaient leur essor… Peut-être certains auteurs ont-ils du retard à l’allumage. A moins que ce ne soient les lecteurs. Qui eux-mêmes, pour subjectifs qu’ils soient nécessairement, ont le devoir de rester justes. Hum… vous m’en direz des nouvelles.
Pour revenir à Autodafé, c’est un livre sur les livres. C’est du moins l’impression que l’on a en commençant. Le Professeur Kien, éminent sinologue, ne vit que par et pour les livres ; il possède la plus importante bibliothèque de cette ville allemande, apparemment d’importance moyenne. Voilà un homme qui devrait nous inspirer une certaine sympathie : sa manie est de celle que tout humaniste se doit de considérer avec indulgence. Or, Kien est archi-antipathique : sa bibliophilie s’apparente à une sorte de fanatisme tyrannique, au titre duquel il pensionne son concierge, individu de la plus sale espèce, épouse sa femme de ménage vulgaire pour qu’elle prenne soin de sa bibliothèque et entre en affaire avec un nain difforme et joueur d’échecs du nom de Fischerle. Tout cela n’a ni queue ni tête. On est dans un tourbillon de personnages et de situation qui changent à chaque paragraphe, sans jamais apporter de sens. L’univers du romancier se voudrait sans doute kafkaïen. Mais rien de l’ébranlement métaphysique que suscite l’auteur du « Procès » n’est présent chez Canetti. On se croirait plutôt dans un roman gothique, dans le style d’Horace Walpole. (Qui a lu le Château d’Otrante ? Personne. Et c’est très bien ainsi. L’auteur ne pense qu’à inventer des situations farfelues, puis à les retourner de paragraphe en paragraphe. C’est épuisant, et surtout cela ne fait pas sens. Il y a une multitude de petits romans nuls dans le roman. Mais le roman lui-même n’existe pas et a fortiori n’en reste-t-il rien une fois terminé. C’est juste un moment anecdotique de l’histoire littéraire.)
Nulle part dans ce livre consacré aux livres il n’est question du triple plaisir : de la littérature, de la lecture et du texte. Ces trois plaisirs qu’il est bon de partager sont également absents d’Auto-da-fé. Retrouvons-les en lisant les livres sur les livres d’Alberto Manguel ; même si c’est parfois inégal, il y a là de bien belles pages délectables dans leur délectation.
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