samedi 13 décembre 2008

Amour dans une vallée enchantée, de Wang Anyi

Bien sûr, un tel titre a un parfum d’Orient. Mais ce pourrait être aussi un roman de Delly. Tout « bien-sonnant » soit-il, il pourrait recouvrir un roman de gare, un récit sentimental assez écoeurant. Certains livres sont mal servis par leur titre. C’est le cas de celui-ci. Mais disons plutôt que, le livre refermé, tout préjugé s’efface à propos de son titre que l’on cesse de regarder comme possiblement racoleur et qui regagne toute sa valeur poétique.

Ce n’est pas par hasard, d’ailleurs, si l’on parle de « vallée enchantée ». Lui et elle (nous ne saurons jamais leurs noms) sont respectivement écrivain et lectrice dans une maison d’édition ; ils se rencontrent lors d’un colloque littéraire à Lushan, la « Vallée enchantée » (inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO), que domine la « Triple Chute » à laquelle on accède par neuf cent cinquante-six marches. Ces marches sont le symbole d’une complicité naissante qui va se muer en un amour platonique au cours de la dizaine de jours que va durer le colloque. A la beauté du paysage extérieur va répondre, en un savant contrepoint, la révélation de la prodigieuse richesse oubliée du paysage intérieur des deux amants. Chaque détail est substantiel, et le roman avance ainsi, à ce rythme lent où vient au jour la multitude d’événements, souvent à peine perceptibles, à partir desquels le sentiment se construit. Ce roman est en quelque sorte « traduit du silence », ou plutôt il est construit comme un ouvrage musical – car, et c’est le miracle de la traduction, on sent la présence d’une vraie musicalité tout au long de ce texte - qui verrait naître les premières notes timidement, s’intensifierait jusqu’à devenir une belle et pleine mélodie, puis s’éloignerait de toute musique (pensons, en poésie, aux « Djinns » de Victor Hugo). Ce livre bref n’est pas un petit livre et donne envie d’aller voir du côté des autres titres du même auteur (il y en a trois) traduits en français.

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