mardi 16 juin 2009

La démangeaison, de Lorette Nobécourt

Au commencement était la Chair : une chair dérangeante, « démangeante », atteinte d’un pityriasis qui envahit l’existence d’Irène, la narratrice, qui se gratte sans cesse, compulsivement, jusqu’au sang, jusqu’à ne plus dormir, jusqu’à ce que son corps en devienne méconnaissable. Il faudrait que la Chair se fît Verbe, qu’Irène enfin puisse mettre des mots sur ce qu’elle croit être la cause de sa maladie : une famille mesquine, étriquée, qui manque d’amour à son égard. Bizarrement, incongrûment, les mots arrivent un jour : Irène se met à écrire ; c’est un soulagement pour elle : les frottements sur le papier ont remplacé les griffures sur la peau. La voici devenue presque « normale », capable en tout cas de mener une vie sociale et professionnelle. Pour combien de temps, si l’énigme n’est pas résolue ? Car n’est-ce pas en elle-même que gît le mal ? Irène (paradoxe de ce prénom qui signifie « la paix ») rechute, devient folle et blesse son amant. Elle est admise en hôpital psychiatrique.

L’écriture de Lorette Nobécourt – et ce n’est pas un jeu de mots – est celle d’une écorchée. Il n’y a pas la moindre graisse, juste des nerfs et du sang. Le livre semble être produit tout entier par la souffrance insupportable de devoir assumer un corps en quelque sorte monstrueux parce qu’en perpétuelle destruction. Souvent, l’écriture exaltée, enragée, fait penser à l’œuvre en prose de Rimbaud. Ce n’est pas un mince hommage pour ce livre bref et acéré, qui confronte le corps à l’écriture, sans conclure autrement que par la violence faite au lecteur, écho de la violence subie par le corps de la narratrice.

Aucun commentaire: