Lionel Naccache, jeune et brillantissime neurophysiologiste, règle ses comptes avec Freud dans le Nouvel Inconscient. Intelligemment, car il est bien placé pour savoir qu’un trop visible meurtre du père aura tôt fait d’être déconstruit par l’abondante filiation d’un géniteur aujourd’hui encore tenu pour intouchable par une part majeure de sa progéniture. Mais j’ai l’air d’insinuer que notre auteur agirait par roublardise ; en fait, je crois qu’il n’en est rien : Naccache est bien convaincu de ce qu’il affirme, à savoir que la psychanalyse, dès lors que le second Freud s’est éloigné des bases neurologiques qui fondaient la première partie de ses recherches, a établi un discours purement fictionnel.
Ce qui n’empêche nullement, d’ailleurs, la psychanalyse de connaître des succès dans le traitement des maladies de l’esprit : en donnant une place majeure à la subjectivité du patient (ce qui était, à l’époque, une approche nouvelle), elle constitue un progrès d’ordre humaniste (nous dit Naccache, et comme je partage cette manière de voir !) qui permet une bonne prise en charge de certaines pathologies.
Mais quant à l’inconscient… Au fil de la description d’expérimentations, dont beaucoup procèdent à partir d’images subliminales et dont les protocoles sont parfois extrêmement ingénieux et élaborés, Naccache nous montre ce que sont, d’un point de vue scientifique, les processus inconscients et les rapports qu’ils entretiennent avec les activités conscientes. Le cœur de sa conclusion est celui-ci : le fonctionnement intentionnel stratégique est l’apanage exclusif de notre activité mentale consciente. Freud se trompait donc lorsqu’il attribuait des intentions et des stratégies à notre fonctionnement mental inconscient. Croyant avoir découvert l’inconscient, il s’était en fait intéressé à l’une des formes possibles du conscient.
Tout cela est pour moi extrêmement convaincant, mais appelle la lecture de bien d’autres ouvrages pour confirmer et consolider ces conceptions. Finalement, conscience ne serait-il pas qu’un terme aussi commode qu’imprécis ? Il me semble en tout cas impossible d’imaginer que la conscience soit autre chose que les fonctions mentales additionnées ou combinées entre elles. Imaginer une sorte de « super-mécanisme » relève du délire mystique et discrédite la pensée d’un Karl Popper, que je soupçonne par ailleurs de vues politiques très rigidifiées. Je crois en revanche que Daniel Dennett, qui a beaucoup écrit sur la conscience, m’aidera à y voir plus clair. Décidément, il n’est plus de féconde philosophie qu’analytique. Rendons grâce, une fois de plus, à Wittgenstein de nous l’avoir si génialement montré.
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