samedi 26 juillet 2008

Divergences antarctiques

Mon amie VL m’avait conté merveilles sur le Pingouin, de Kourkov, qualifié de chef d’œuvre d’humour décalé. C’est toujours un plaisir de se dire que l’on va découvrir un nouvel auteur pas encore très connu et qui sera peut-être demain un classique. Là, j’ai été déçu. J’ai lu et attendu. J’ai bien vu le décalage, mais l’humour, guère. Cette histoire d’un journaliste écrivant des nécrologies prémonitoires (on comprend en lisant le livre pourquoi elles annoncent la mort de l’individu à qui elles sont consacrées, mais ce n’est pas pour autant une « trouvaille » de la part de l’auteur) et vivant avec un pingouin se place d’emblée du côté de la loufoquerie. Une telle attitude, dans le monde post-soviétique, sert à dénoncer une société délabrée, qui n’a pas abandonné grand-chose de la bureaucratie sinon à des groupes plutôt malhonnêtes et aux méthodes parfois expéditives. L’ennui, c’est que dans le Pingouin, cette dénonciation n’arrive jamais, fût-ce indirectement. L’auteur est trop occupé des péripéties de son intrigue, on peut d’ailleurs lui concéder qu’il ne s’en sort pas si mal : à un moment de ma lecture, je craignais le pire en me demandant comment il allait pouvoir retomber sur ses pieds, vu la manière dont les choses étaient engagées. L’ennui aussi, c’est qu’on ne rit pas (sans doute devrais-je mettre cette affirmation à la première personne du singulier) : l’humour noir tombe à plat, on ne rit pas jaune non plus, on est décidément dans le registre décoloré. Le brave soldat Chveik et ses grinçantes aventures militaires sont loin. Que reste-t-il ? Un récit construit avec brio, qui nous donne à rêver de ce que pourra écrire Kourkov la prochaine fois, quand il décidera vraiment de devenir un satiriste féroce… ou qu’il choisira de laisser l’humour au vestiaire, au bénéfice d’une auscultation détaillée de la société ukrainienne d’aujourd’hui.

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